L'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013 bouleverse considérablement le droit du travail. Issue de cet accord, la loi de sécurisation de l'emploi vient d'être définitivement adoptée par le Sénat.
L'occasion de faire le point sur une nouvelle approche économique et sociale de notre société.
Prévention et gestion des licenciements economiques
accords de maintien dans l'emploi
La création de l'accord de maintien dans l'emploi va permettre aux entreprises d'aménager le temps de travail et de revoir les rémunérations contre l'engagement de ne pas supprimer d'emplois pendant une période déterminée. Ce dispositif ne peut être mis en place qu'en cas de « graves difficultés économiques conjoncturelles dans l'entreprise ». L'employeur devra, au préalable, dresser un diagnostic des difficultés économiques et le soumettre pour analyse aux syndicats représentatifs.
Le comité d'entreprise (CE) pourra faire appel à un expert-comptable pour l'analyse de ce diagnostic.
Les contreparties au maintien de l'emploi peuvent porter sur la durée du travail, ses modalités d'organisation et de répartition, ainsi que sur la rémunération. Il sera interdit de diminuer les rémunérations inférieures à 1,2 SMIC. Les dirigeants devrons fournir des efforts proportionnés aux salariés.
La durée de l'accord sera au maximum de 2 ans. Pendant cette période, l'employeur ne peut pas licencier pour motif économique un salarié englobé dans l'accord. L'accord doit être signé par des syndicats représentant au moins 50 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles.
L'accord de chaque salarié est nécessaire
Les modifications prévues par l'accord de maintien dans l'emploi ne s'imposent pas aux salariés : l'employeur doit recueillir l'approbation de chacun d'entre eux. Le salarié qui refuse l'application de l'accord peut être licencié pour motif économique, quel que soit le nombre de salariés concernés. Il n'y a pas d'obligation d'élaborer un PSE (plan de sauvegarde de l'emploi).
refonte du licenciement economique avec pse
les entreprises de 50 salariés et plus qui envisagent le licenciement d'au moins 10 salariés en 30 jours pourront déterminer, par accord collectif majoritaire ou par un document rédigé unilatéralement par l'employeur :
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le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi,
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les modalités de consultation du CE,
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les modalités de mise en œuvre des licenciements.
Pour négocier l'accord collectif, les délégués syndicaux pourront bénéficier de l'aide d'un expert-comptable, désigné par le CE.
Ce type de licenciement nécessite la consultation du CE sur l'opération projetée et ses modalités pratiques, ainsi que sur le projet de licenciement collectif. Il y a donc maintien de la distinction « livre III/livre IV ».
Une procédure simplifiée
La loi de sécurisation de l'emploi simplifie la procédure de consultation tout en allongeant la durée globale de celle-ci : elle sera étalée sur 2 à 4 mois, suivant le nombre de licenciements envisagés, avec au moins 2 réunions espacées de 15 jours.
C'est lors de la première réunion que le comité d'entreprise peut nommer un expert-comptable. Une fois désigné, et c'est une nouveauté, l'expert-comptable dispose de 10 jours pour demander à l'employeur les informations nécessaires à sa mission. L'employeur doit répondre dans les 8 jours. L'expert-comptable remet son rapport au plus tard 15 jours avant l'expiration du délai laissé au CE pour rendre son avis. Le rapport de l'expert-comptable du CE est transmis à l'administration.
L'employeur doit notifier le projet de licenciement à l'administration (après la première réunion du CE). Tout licenciement notifié en l'absence de validation par l'administration est nul.
reforme du contentieux
Il est créé une nouvelle voie de recours, en cas de contestation d'une procédure de licenciement, relative au document unilatéral et au contenu du PSE . Le Tribunal Administratif sera compétent. Il doit être saisi dans les 2 mois. L'action en référé au tribunal de grande instance n'est plus possible. Mais la réforme ne remet pas en cause les voies de recours pour contester la régularité ou la validité du licenciement économique.
obligation de rechercher un repreneur en cas de fermeture
Les entreprises d'au moins 1 000 salariés ne peuvent plus fermer un établissement sans rechercher au préalable un repreneur. Le comité d'entreprise est informé de cette recherche. Il peut se faire aider d'un expert-comptable, rémunéré par l'employeur, pour analyser le processus de recherche, les repreneurs potentiels et analyser les projets de reprise.
contrat de travail, mobilité, formation professionnelle
modulation des cotisations chômage
Une majoration des cotisations patronales d'assurance chômage serait mise en place. Elle concernerait les CDD pour surcroît d'activité et les CDD d'usage de moins de 3 ans. Cette majoration ne concernerait pas les CDD de remplacement.
Les jeunes de moins de 26 ans, en CDI, bénéficieraient d'une exonération des mêmes cotisations, pendant une durée de 3 mois.
Les partenaires sociaux doivent négocier ces dispositions dans les prochaines semaines.
reforme du temps partiel
La durée minimale de travail du salarié à temps partiel sera fixée à 24 heures par semaine. Cette durée s'appliquera à tous les contrats conclus à compter du 1er janvier 2014. Pour les contrats en cours à cette date, la loi prévoit une période transitoire de 2 ans. Jusqu'au 1er janvier 2016, la durée minimum de travail s'appliquera uniquement aux salariés qui en font la demande.
Au minimum 24 heures par semaine
Le salarié pourra demander à travailler en dessous de la durée minimum de 24 heures, soit pour faire face à des contraintes personnelles, soit pour lui permettre de cumuler plusieurs activités afin d'atteindre cette durée.
Une convention ou un accord de branche étendu pourra fixer une durée hebdomadaire minimale de travail inférieure à 24 heures, à condition de comporter des garanties quant à la mise en œuvre d'horaires réguliers ou permettant au salarié de cumuler plusieurs activités, correspondant à au moins 24 heures de travail par semaine.
A compter du 1er janvier 2014, les heures complémentaires effectuées dans la limite de 10 % de la durée contractuelle, seront rémunérées avec une majoration minimum de 10 %. Les heures effectuées au delà, sont toujours rémunérées à 25 %, mais une convention ou un accord de branche pourra prévoir une rémunération moindre, sans être inférieure à 10 %.
La loi ouvre la possibilité aux entreprises d'augmenter temporairement la durée du travail des salariés à temps partiel. Un avenant devra être signé (maximum 8 par an et par salarié). La loi ne prévoit pas de majoration pour le complément d'heures. Par contre, les heures effectuées au delà de l'avenant donnent lieu à une majoration de 25 %.
mobilité interne a l'entreprise
Les employeurs peuvent engager une négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes, sans projet de réduction d'effectifs.
Un salarié qui refuserait l'application de l'accord pourrait être licencié pour motif économique.
mobilité volontaire externe
Dans les entreprises d'au moins 300 salariés, tout salarié dont l'ancienneté est d'au moins 2 ans, peut bénéficier d'une période de mobilité volontaire sécurisée. Pendant cette période, le salarié peut exercer une activité dans une autre entreprise pour développer ses compétences, avec l'assurance de pouvoir retrouver son emploi d'origine une fois la période de mobilité achevée. Cette situation implique la signature d'un avenant au contrat de travail.
A la fin de la période de mobilité, le salarié revient en principe dans son entreprise d'origine. Il peut ne pas réintégrer l'entreprise. Cette décision est considérée comme une démission.
compte personnel de formation
Chaque personne disposera dès son entrée sur le marché du travail, d'un compte personnel de formation. Ce compte sera individuel, comptabilisé en heures et intégralement transférable en cas de changement d'employeur ou de perte d'emploi. Le salarié (à temps plein) bénéficiera de 20 heures par an, plafonnées à 120 heures.
Ce système devrait se substituer au DIF.
impact de la loi sur les représentants du personnel
information et consultation des représentants du personnel
La loi prévoit la création d'une base unique de données. Ce registre sera consultable à tout moment par les membres du CE, les délégués du personnel, le CHSCT et les délégués syndicaux.
Ce registre comprendra plusieurs rubriques obligatoires :
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investissements,
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fonds propres,
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endettement,
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rémunérations des salariés et des dirigeants,
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activités sociales et culturelles,
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sous-traitance,
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transferts commerciaux et financiers intra-groupe.
Les informations devront porter sur les 3 dernières années et les 3 années futures.
Ce registre se substituera au rapport annuel unique et au rapport annuel d'ensemble.
Le CE analyse la stratégie de l'entreprise
Le comité d'entreprise devra être consulté sur les orientations stratégiques de l'entreprise. Il s'agit d'une nouvelle consultation annuelle qui doit impliquer un débat non seulement sur les perspectives envisagées par l'entreprise, mais aussi sur leurs conséquences sur l'activité, l'emploi, l'évolution des métiers et des compétences, l'organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l'intérim, à des contrats temporaires, à des stages. Le CE pourra proposer des solutions alternatives.
Pour formuler son avis, le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable. Celui-ci est rémunéré à 80 % par l'entreprise et à 20 % sur le budget de fonctionnement du CE (dans la limite du tiers de ce budget).
Le CE surveille l'utilisation du CICE
Le comité d'entreprise doit être consulté sur l'utilisation du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE). Il peut déclencher une procédure en cas de mauvaise utilisation de celui-ci.
Pour analyser l'utilisation du CICE, le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable.
mise en place d'une expertise unique du CHSCT
L'expertise peut être effectuée par une instance unique et temporaire de coordination dès lors qu'une entreprise multi-établissement lance un projet commun à plusieurs établissements.
Cette instance n'est pas obligatoire.
représentation des salaries dans les organes des sociétés
Les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions sont tenues de désigner des représentants des salariés. Cette obligation concerne :
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les entreprises ayant leur siège social en France et employant au moins 5 000 salariés,
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les entreprises ayant leur siège social en France et à l'étranger qui emploient au moins 10 000 salariés dans le monde.
une prévoyance complémentaire obligatoire pour tous
Au plus tard le 1er janvier 2016, tous les salariés devront avoir accès à une couverture minimale de prévoyance complémentaire en vue de couvrir les frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident.
Assurance santé pour tous les salariés !
Tous les employeurs sont concernés quel que soit leur effectif.
Le régime aura un caractère collectif et obligatoire. Un décret doit déterminer le niveau de prise en charge des dépenses. L'employeur devra assurer au moins 50 % du financement de cette couverture.
Un système de portabilité de la prévoyance sera mis en place. Il permettra à chaque salarié, en cas de rupture du contrat de travail ouvrant droit à la prise en charge par l'assurance chômage et sauf faute lourde, de continuer à bénéficier pendant sa période de chômage des garanties collectives de prévoyance.
La durée de maintien des garanties est égale à la période d'indemnisation du chômage, sans pouvoir excéder la durée du dernier contrat et sans pouvoir excéder 12 mois.
la conciliation prud'homale
Le passage devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes n'aboutit que rarement à une conciliation des parties. Pour favoriser celle-ci, il est instauré un barème (à définir par un décret) prévoyant le versement d'une indemnité forfaitaire.
Ce barème n'a qu'une valeur indicative.
délais de prescription
Les actions portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrivent désormais par 2 ans. Les actions en paiement de salaires se prescrivent par 3 ans.
droits rechargeables a l'assurance chômage
Afin d'inciter dans certaines situations, la reprise d'une activité professionnelle, il est institué un dispositif de droits rechargeables dans le cadre de l'assurance chômage. Ainsi, le demandeur d'emploi, pourra conserver les droits à indemnisation non consommés lors d'une précédente période de chômage, puis de les cumuler avec les nouveaux droits acquis.
Publié le 20/06/2013