Introduction

L’intelligence artificielle (IA) a envahi le monde du travail, apportant des bénéfices en termes de productivité et d’innovation, mais aussi des préoccupations croissantes chez les salariés. Parmi ces préoccupations figure un phénomène de plus en plus discuté : l’IA anxiété. Ce terme désigne l’inquiétude des salariés face à l’IA, notamment concernant l’automatisation des tâches et la place des humains dans l’entreprise. Dans cet article, nous allons définir ce concept, examiner le rôle de l’employeur et des élus du CSE, et nous pencher sur les aspects législatifs et jurisprudentiels.

 

Définition de l’IA anxiété

L’IA anxiété fait référence à l’angoisse ressentie par les salariés face à l’introduction des technologies d’IA dans leur environnement de travail. Cette anxiété peut être provoquée par :

  • La crainte de perdre son emploi à cause de l’automatisation,
  • L’inquiétude liée à la surveillance accrue, au contrôle des performances ou à l’évaluation automatisée,
  • Le sentiment de ne pas maîtriser les nouvelles compétences requises,
  • Le flou sur la frontière entre l’humain et la machine dans certaines fonctions.

Cette anxiété peut avoir des conséquences sur la santé mentale des employés (stress, épuisement professionnel) et sur leur bien-être général au travail.

 

Le rôle de l’employeur face à l’IA anxiété

Obligation légale de prévention
L’article L. 4121-1 du Code du travail impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L’introduction de l’IA, en modifiant l’organisation du travail, peut entraîner des risques psychosociaux (RPS) tels que l’IA anxiété, et l’employeur doit les prévenir.

Cela implique :

  • L’information et la transparence : L’employeur doit expliquer aux salariés les changements liés à l’IA, en termes d’impact sur les postes de travail et de tâches.
  • La formation : Accompagner les salariés par des programmes de formation sur les nouvelles technologies pour qu’ils puissent s’adapter.
  • L’accompagnement psychologique : Mettre en place un soutien pour les salariés manifestant de l’anxiété face à ces changements, notamment via le service de santé au travail.

 

Le rôle des élus du CSE

Le CSE (Comité Social et Économique) a un rôle clé dans la prévention et l’accompagnement des salariés face à l’IA anxiété. En vertu de ses attributions, le CSE doit :

  • Évaluer les risques professionnels liés à l’introduction de l’IA : Lors des consultations sur les changements technologiques (articles L. 2312-8 et L. 2312-17 du Code du travail), les élus doivent s’assurer que les impacts de l’IA sur les conditions de travail ont bien été anticipés par l’employeur,
  • Formuler des propositions : Si les élus constatent que l’IA entraîne une augmentation des RPS ou des troubles psychologiques, ils peuvent demander la mise en place de mesures préventives ou curatives (formation, aménagement des postes, etc.),
  • Veiller à la conformité des outils d’IA : Certains outils d’IA peuvent porter atteinte aux libertés individuelles (surveillance excessive, notation automatique). Le CSE doit s’assurer que ces outils respectent les droits des salariés, notamment le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données).

 

Loi et jurisprudence concernant l’IA anxiété

Le cadre législatif
Il n’existe pas encore de législation spécifique encadrant l’IA anxiété en entreprise. Cependant, plusieurs textes permettent de protéger les salariés :

  • Le Code du travail protège la santé mentale des travailleurs et oblige l’employeur à identifier et prévenir les risques psychosociaux, y compris ceux liés à l’IA.
  • Le RGPD impose des limites strictes à l’utilisation des données personnelles dans le cadre d’évaluations automatisées des performances des salariés, prévenant ainsi certains abus des outils d’IA.

Jurisprudence récente
Si la jurisprudence concernant spécifiquement l’IA anxiété est encore peu développée, des décisions relatives aux risques psychosociaux liés à la transformation numérique ont ouvert la voie. La Cour de cassation a, à plusieurs reprises, rappelé que l’employeur doit évaluer les conséquences des changements technologiques sur la santé mentale des salariés et prendre des mesures adéquates pour les protéger.

 

Conclusion

L’IA anxiété est un phénomène émergent auquel les entreprises doivent prêter attention. Il revient à l’employeur, en collaboration avec le CSE, de mettre en place des stratégies pour accompagner les salariés dans la transition numérique tout en respectant les obligations légales de protection de la santé et de la sécurité au travail. Les élus du CSE doivent jouer un rôle actif, en veillant à ce que les technologies mises en place soient encadrées et qu’elles n’entraînent pas d’atteintes aux droits des travailleurs.

Ce dialogue est essentiel pour que l’IA soit perçue non comme une menace, mais comme une opportunité pour les salariés.

Didier FORNO

Expert-comptable spécialisé dans les CSE

CEOLIS

Publié le 03/10/2024