La Première ministre, Madame Elisabeth BORNE a présenté le 10 janvier dernier, les grandes lignes de la « réforme » des retraites. L’objectif étant que le système de retraite soit équilibré vers 2030. La « réforme » fera l’objet d’un projet de loi de finances, présenté en Conseil des ministres le 23 janvier et vraisemblablement validé après utilisation de l’article 49.3.
Tour d’horizon (sous forme humoristique) d’une réforme qui n’en est pas une !
Nos politiques savent-ils lire et compter ?
Les politiques ont manifestement des problèmes de maîtrise de la langue française et des difficultés en calcul…
Problème de vocabulaire
Depuis une trentaine d’années, à chaque loi qui remet en cause des avantages sociaux, nos dirigeants parlent de « réforme ». Il s’agit d’un abus de langage ! Prenons la définition du mot « réforme » dans le dictionnaire LAROUSSE : « Changement de caractère profond, radical apporté à quelque chose, en particulier à une institution, et visant à améliorer son fonctionnement ».
Reporter l’âge légal du départ en retraite correspond-il à cette définition ? À vous de juger !
Le même « abus » de langage avait été abondamment utilisé lors du passage du comité d’entreprise au comité social et économique (CSE). On parlait de « réforme du dialogue social », en vue de son amélioration… Le dialogue social a en réalité été considérablement appauvri. Ce n’est pas moi qui le dis ! C’est le comité d’évaluation des ordonnances « Macron » qui l’a écrit dans son dernier rapport. Depuis, ce comité a été supprimé… Même pas mal !
Pourquoi cet « abus » de langage à propos du mot « réforme » ? Tout simplement, parce que dans les esprits de nos élites, ce mot fait « moderne ». Si vous êtes contre, vous êtes rétrograde, voire, arriéré. Procédé facile, mais qui fonctionne et qui marginalise toute opposition.
Si le gouvernement avait nommé son projet sur les retraites : « projet d’allongement de la durée de cotisations et report de l’âge de départ en retraite », le concept aurait été beaucoup moins vendeur !
Difficultés avec les mathématiques
Depuis longtemps, nos gouvernants ont l’habitude de jongler avec les milliards pour faire peur au « petit » peuple. Il est vrai que pour un salarié payé au SMIC, des chiffres en milliards effraient.
Selon le Conseil d'orientation des retraites (COR), le déficit du système de retraite français devrait se situer entre 7,9 et 17,2 milliards d’euros en 2025. Cela fait plus peur que Freddy Krueger dans le film « Les griffes de la nuit ».
Relativisons quelque peu ces chiffres. La dette publique de l’État français qui recouvre l’ensemble des emprunts contractés par les administrations publiques devrait dépasser les 3 000 milliards d’euros en 2023.
Autre chiffre à mettre en perspective avec le déficit, soi-disant abyssal, du système de retraite. La société VERNIMEN vient de publier, comme chaque année, son étude sur les dividendes distribués par les sociétés du CAC 40 en 2022. Ces entreprises ont distribué aux actionnaires plus de 80 milliards d’euros, soit le plus haut niveau enregistré depuis que l’étude existe (2003).
Des économies potentielles gigantesques dans de nombreux domaines
J’invite les lecteurs à lire le rapport annuel de la Cour des comptes. Comme chaque année, il liste les dysfonctionnements et les gabegies de l’État français. Les économies potentielles se chiffrent en milliards. Malheureusement, la Cour des comptes ne peut faire que des constats et des préconisations, mais n’a pas de pouvoir contraignant.
Venons-en à cette « réforme » des retraites
Report de l’âge légal de départ en retraite
L’âge légal de départ en retraite sera progressivement relevé à 64 ans, à compter du 1er septembre 2023, à raison de trois mois de plus par année de naissance. L’âge légal de départ qui est aujourd’hui de 62 ans sera donc porté à 64 ans en 2030.
D’après les données d’avril 2021 de l’INSEE, l’âge de l’espérance de vie en bonne santé des hommes est de 63,7 ans et de 64,6 ans pour les femmes.
Français, françaises, profiter bien de votre retraite à 64 ans !
Le dessinateur ZAÏTCHICK a merveilleusement « croqué » ce paradoxe dans un dessin humoristique, avec la légende suivante : « c’est quand même curieux, pour le coronavirus, à 64 ans, t’es vieux et fragile… mais pour la réforme des retraites, t’es jeune et en plein forme ! ».
Allongement de la durée de cotisations
Ce report d’âge est accompagné d’une accélération du calendrier d’allongement de la durée de cotisations pour percevoir une retraite à taux plein. Elle sera portée à 43 annuités en 2027, à raison d’un trimestre supplémentaire par année.
L’âge d’annulation de la décote n’est pas touché, il reste fixé à 67 ans. Ouf ! Il ne faudra pas travailler jusqu’à 90 ans… Quoi que, comme le disait Henri SALVADOR : « le travail c’est la santé ! ». Il est vrai qu’il ajoutait « ne rien faire c’est la conserver »…
Quelques petites concessions pour affirmer l’ouverture au dialogue du gouvernement !
Plusieurs catégories de salariés sont exclues du dispositif de relèvement de l’âge de départ en retraite :
- Les personnes en invalidité ou inaptitude, dont le départ est maintenu à 62 ans,
- Les travailleurs handicapés, départ anticipé possible à 55 ans,
- Les salariés victimes d’accident du travail ou de maladies professionnelles ayant une incapacité d’au moins 10 % qui pourront partir deux ans avant l’âge légal,
- Les salariés ayant des carrières longues, qui pourront partir deux ans avant l’âge légal.
Augmentation de la pension minimale de retraite
En contrepartie du report de l’âge de départ à la retraite, les « petites » pensions seront revalorisées de… 100 euros par mois. Chouette ! Les croisières en méditerranée vont enfin devenir accessibles aux plus modestes !
Pour les salariés qui ont eu une carrière complète au SMIC, la retraite sera relevée à 1 200 euros brut par mois. Cela ne vous aidera pas à partir en vacances à l’Ile Maurice, mais peut être que vous pourrez aller à Lille chez Maurice !
Comme le disaient Jean Gabin dans le film « La traversée de Paris » et Coluche dans un de ces sketchs : « Salauds de pauvres ! ».
L’amélioration du taux d’emploi des seniors ?
Actuellement le taux d’emploi des seniors (60 à 64 ans) n’est que de 33 %.
C’est le principal « hic » de la « réforme ». C’est bien beau de vouloir faire travailler les salariés plus longtemps, mais en général, ils sont licenciés bien avant l’âge légal de départ en retraite. Être « liquidé de son entreprise » avant de pouvoir « liquider sa retraite »… C’est la retraite par « armes à répétition », pardon, par répartition. Sinon, vous pouvez opter pour la retraite par « décapitation ».
La Première ministre a annoncé plusieurs mesures pour maintenir les seniors en activité :
- La création d’un index senior dans les entreprises et l’obligation de négocier sur le sujet,
- L’accès à la retraite progressive permettant de liquider une partie de sa retraite deux ans avant l’âge légal. Le passage à temps partiel serait facilité,
- Un accès plus facile au cumul emploi-retraite et la possibilité d’acquérir des trimestres supplémentaires permettant d’améliorer la retraite à temps plein.
La démarche est louable. Les entreprises répondront-elles présentes ?
Et pour les régimes « spéciaux » ?
La plupart des régimes spéciaux seront fermés pour les nouveaux entrants. Ce changement concernerait les salariés recrutés à compter du 1er septembre 2023 qui dépendraient du régime général de retraite, comme les salariés du privé.
De nombreux points du projet restent au conditionnel.
Avec les régimes spéciaux, le gouvernement avance avec grande prudence. Il connaît la solidarité, la capacité de mobilisation des salariés couverts par ces régimes et leurs moyens d’action puissants.
Si la situation devenait intenable, un recul du gouvernement, pour ces régimes, n’est pas exclu.
Nous assisterions alors à un remake du film d’Yves ROBERT « courage, fuyons ». En espérant que la suite ne sera pas « un éléphant ça trompe énormément »…
Ce billet d’humour pour dire que dans un climat morose (inflation, guerre en Ukraine), on peut ne pas se prendre au sérieux, tout en traitant un sujet sérieux.
The End.
Didier FORNO
Expert-comptable CSE
CEOLIS
Publié le 13/01/2023