Jusqu’au début de la pandémie de la COVID 19, le nombre d’intérimaires en France était stable, autour des 800 000 personnes (étude DARES). L’épidémie a fortement fait chuter ce chiffre en mars et avril 2020. Depuis, ce chiffre remonte, sans toutefois atteindre, pour l’instant les niveaux d’avant la crise (voir graphique ci-dessous).
Les intérimaires représentent environ 3 % de la population active au travail. Ce sont à 80 % des ouvriers et employés dans l’industrie, le tertiaire et la construction.
Les intérimaires connaissent des conditions de travail souvent très difficiles : durée des missions courte, changement de postes et formations insuffisantes. Leur exposition aux risques professionnels s’en trouve accrue. De plus, ils exercent souvent les métiers les plus dangereux.
Les médecins du travail sont nombreux à juger la qualité de la prévention plus mauvaise pour les intérimaires que pour les autres ouvriers.
Le nombre d’accidents du travail est stable et s’établit en moyenne à 33,4 pour 1 000 salariés, contre 53,6 pour 1 000 chez les intérimaires.
La santé et la sécurité des intérimaires sont donc moins bien protégées que celle des autres salariés.
La Cour de cassation vient de mettre en évidence le droit à la santé des travailleurs intérimaires dans un arrêt du 26 février 2020.
Le 16 avril 2018, le CHSCT de la société MANPOWER a décidé de faire appel à un expert, en application de l’article L. 4614-12 du Code du travail, pour la réalisation d’une étude relative à la situation de risque grave dans laquelle se trouvaient les travailleurs temporaires de la société MANPOWER au sein de l’entreprise utilisatrice FEEDBACK. La société MANPOWER saisit le tribunal de grande instance, pour faire annuler la nomination de l’expert.
La Cour de cassation donne raison au CHSCT de MANPOWER :
« S’agissant de salariés des entreprises de travail temporaire, si la responsabilité de la protection de leur santé et de leur sécurité est commune à l’employeur et à l’entreprise utilisatrice […] Il incombe au premier chef à l’entreprise utilisatrice de prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer cette protection ».
« Par conséquent, c’est à l’entreprise utilisatrice qu’il appartient d’exercer une mission de vigilance à l’égard de l’ensemble des salariés de l’établissement placés sous l’autorité de l’employeur ».
« Cependant, lorsque le CHSCT de l’entreprise de travail temporaire constate que les salariés mis à disposition de l’entreprise utilisatrice sont soumis à un risque grave, sans que l’entreprise utilisatrice ne prenne de mesures, et sans que le CHSCT de l’entreprise utilisatrice n’agisse, il peut faire appel à un expert agréé afin d’étudier la réalité du risque et les moyens éventuels d’y remédier ».
Les membres des CSE (comité social et économique) et des CSSCT (commission santé, sécurité, et conditions de travail) des entreprises utilisatrices d’intérimaires doivent être vigilants aux conditions de travail de ceux-ci. Ne rien faire ou attendre que les élus de l’entreprise d’intérim agissent n’est pas responsable.
Didier FORNO
CEOLIS
Expert spécialisé dans les CSE
Publié le 25/08/2020