La disparition du comité d’entreprise (CE) et son remplacement par le comité social et économique (CSE) a suscité, lors de la publication des ordonnances « Macron », les craintes des syndicats de salariés : baisse du nombre d’élus du personnel, appauvrissement du dialogue social, disparition du CHSCT, etc.

Ces craintes étaient-elles fondées ? Nous disposons maintenant d’un peu de recul.

La mise en place du CSE

FRANCE STRATÉGIE vient de publier un rapport intermédiaire (juillet 2020), suite à la mise en œuvre des ordonnances « Macron » du 22 septembre 2017 (mise en place du comité social et économique (CSE) dans toutes les entreprises et rénovation du dialogue social).

Au 3 juin 2020, 81 371 établissements distincts ont effectivement mis en place un CSE, couvrant 10 843 761 salariés. 39 354 établissements n’ont pas mis en place un CSE en raison d’une carence totale de candidatures (dont 86 % d’entre eux sont des établissements de moins de 50 salariés).

L’ampleur de la carence de candidats étonne : individualisme de notre société ou pression des employeurs pour ne pas avoir d’élus du personnel ? Sans doute, un peu des deux…

Globalement, le passage du comité d’entreprise au comité social et économique a peu apporté au dialogue social, les directions d’entreprise ayant fait, dans la plupart des cas, du « copier/coller » du fonctionnement des instances représentatives du personnel, tel qu’elles existaient précédemment.

Les questions relatives à la santé, la sécurité et les conditions de travail relèvent désormais du champ de compétence du CSE et non plus de l’ancien CHSCT. Lors de la mise en place du CSE, la crainte des syndicats que les questions traitées précédemment par le CHSCT deviennent le « parent pauvre » du dialogue social, semble fondée…

Pour les élus titulaires du CSE, le travail peut s’avérer plus intense, mais aussi plus complexe, en raison de la diversité des sujets traités. Par ailleurs, la nouvelle organisation modifie le rôle des suppléants qui ne sont plus invités aux réunions, ce qui peut poser éventuellement un problème d’apprentissage, de montée en compétences et de suivi des sujets traités.

Des dysfonctionnements sont observés dans le fonctionnement des CSE (ordres du jour surchargés, difficultés à traiter des différents sujets dans une même instance…).

Selon le rapport de FRANCE STRATÉGIE, plusieurs questions restent à approfondir : comment garder de la proximité quand les instances représentatives du personnel sont plus concentrées ? Comment traiter les questions relatives à la santé, la sécurité et les conditions de travail ?

Une question centrale demeure : le CSE permet-il de dépasser le rôle joué par le comité d’entreprise, en innovant et en améliorant le dialogue social ? CEOLIS constate malheureusement que sur le terrain, c’est objectif est rarement atteint…

L’accord de performance collective (APC)

L’accord de performance collective (APC), créé par les ordonnances, peut être mis en oeuvre « pour répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l’emploi ». A fin juin 2020 (depuis la mise en place du dispositif), 371 APC ont été conclus. Le nombre reste limité. La majorité des accords conclus l’ont été au sein de petites et moyennes structures (TPE et PME) :

- 145 accords traitent exclusivement du temps de travail ;

- 57 accords exclusivement de la rémunération ;

- 58 accords exclusivement de la mobilité géographique et/ou professionnelle ;

- 100 accords traitent deux thèmes à la fois ;

- 11 accords abordent les trois thèmes.

FRANCE STRATÉGIE soulève des questions sur la capacité des APC à garantir des compromis équilibrés, alors que l’employeur n’est pas contraint d’accorder des contreparties aux efforts consentis par les salariés. Le rapport souligne le risque d’une dynamique de moins-disant social au sein d’un secteur d’activité, dès lors qu’une entreprise utiliserait l’APC, pour améliorer sa compétitivité.

L’accord de rupture conventionnelle collective (RCC)

Autre nouveauté des ordonnances « Macron », l’accord de rupture conventionnelle collective (RCC). Au 31 mars 2020, 234 entreprises se sont engagées dans la négociation d’un accord RCC. Le développement de la RCC joue-t-il un effet de substitution sur la mise en œuvre des PSE ? FRANCE STRATÉGIE ne se prononce pas, mais précise : « il n’en demeure pas moins que certaines grandes entreprises se sont saisies de ce nouveau dispositif pour procéder à des adaptations de leurs effectifs qu’elles géraient jusqu’à présent dans le cadre de plans de départs volontaires autonomes ».

Ce rapport intermédiaire de FRANCE STRATÉGIE tire des conclusions en demi-teinte, sur l’effet des ordonnances « Macron » sur le dialogue social.

Nous disposons maintenant d’un certain recul, pour porter un jugement sur les ordonnances Travail de 2017 : de grands changements sur le papier, pour de faibles résultats concrets…

À ce jour, l’objectif de la réforme, qui était de renforcer le dialogue social, n’a pas été atteint. Le renouvellement des élus, la baisse du nombre des élus, la baisse du nombre d’heures de délégation, la charge de travail des élus en forte hausse, la marginalisation des questions santé, sécurité et conditions du travail, semblent avoir considérablement affaibli la représentation des salariés et par ricochet le dialogue social.

La mise en place du CSE a été très fortement soutenue par les syndicats d’employeurs. On comprend mieux pourquoi…

La crise de la Covid 19, illustre un peu plus chaque jour, la pauvreté, voir l’absence de dialogue social.

Retrouver cet article sur le site MIROIR SOCIAL : https://www.miroirsocial.com/participatif/le-remplacement-du-ce-par-le-cse-un-affaiblissement-du-dialogue-social

Didier FORNO

Expert-comptable du CSE

Publié le 19/08/2020