Avec le réchauffement climatique, nous constatons une augmentation régulière des températures et une intensification des vagues de chaleur. Face à ce phénomène, et selon les prévisions les plus pessimistes de Météo France, nous pourrions faire face à des canicules plus sévères et plus longues que celle de 2003, qui a malheureusement entraîné 15 000 décès en France.
Pour les années 2019 et 2020, les vagues de chaleur ont été marquées par leur durée, leur fréquence, leur étendue géographique et leur intensité. Ainsi, les canicules extrêmes ont nécessité l'activation du niveau rouge de la vigilance météorologique pour la première fois en 2019, et encore en 2020.
Dans cette perspective, nous devons nous préparer à une possible canicule cet été, qui pourrait être d'une ampleur tout aussi exceptionnelle. Le thermomètre pourrait grimper à des niveaux de 35 à 40 °C dans la plupart des régions, rendant les conditions de travail particulièrement éprouvantes dans de nombreuses entreprises.
Selon l'INRS (Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles), au delà de 30 degrés, la chaleur génère des risques pour les salariés : crampes, épuisement, déshydratation, coup de chaleur, pouls et respiration rapide, maux de tête, nausées, vomissements, etc. De plus, la chaleur peut entraîner des altérations fonctionnelles et générer des risques pour la sécurité. Des effets psychologiques sont également observés : augmentation du temps de réaction, des erreurs, des omissions.
Rôle de l'employeur face aux vagues de chaleur
L'employeur a la responsabilité d'assurer la sécurité et la protection de la santé de ses salariés, et ce, quelles que soient les conditions météorologiques. Dans le contexte des vagues de chaleur, l'employeur doit prendre des mesures spécifiques pour protéger ses salariés. Dans le cadre de son obligation de sécurité, il doit :
- Intégrer au « document unique (DUERP) » les risques liés aux ambiances thermiques,
- Elaborer un plan de gestion interne des vagues de chaleur,
- Désigner un responsable de la préparation et de la gestion des vagues de chaleur,
- Recenser les postes de travail les plus exposés,
- Informer les salariés des risques et des moyens de prévention,
- Prévoir des sources d’eau potable fraîche à proximité des postes de travail en quantité et en qualité suffisante,
- Mettre en place une ventilation des locaux de travail correcte et conforme à la Réglementation,
- Prévoir des pauses régulières et, si nécessaire, de veiller à aménager les horaires de travail,
- Informer le CSE et la CSSCT des recommandations à mettre en œuvre en cas d’exposition aux fortes chaleurs,
- Revoir l’organisation du travail afin de réduire les cadences si nécessaire, de limiter au maximum les manutentions manuelles,
- Consulter régulièrement les prévisions météorologiques.
Le Directeur Général du Travail a rédigé et adressé une instruction sur la gestion des vagues de chaleur à l'Inspection du travail et aux Dreets (Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités). Ce document vient en complément du plan "ORSEC". Ce plan vise à anticiper les canicules, à définir les actions à mettre en œuvre pour prévenir et limiter leurs effets sanitaires, et à adapter les mesures de prévention et de gestion en fonction des situations locales.
Instruction interministérielle : https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/instruction_interministerielle_-gestion_sanitaires_vagues_de_chaleurs_en_france-_maj_120623.pdf
Rôle du Comité social et économique (CSE) et de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT)
Le CSE et la CSSCT jouent un rôle essentiel dans la prévention des risques liés à la canicule. Ils ont pour mission d'assurer la santé, la sécurité et les bonnes conditions de travail des salariés. Il est crucial pour eux de rester vigilants et d'être activement impliqués dans la préparation et la mise en œuvre des plans de gestion des vagues de chaleur.
Quelques conseils pratiques pour les salariés
Pour se protéger des effets de la chaleur, il est recommandé aux salariés de boire régulièrement (toutes les 15 à 20 min), de porter des vêtements légers qui favorisent l'évaporation de la sueur, de se protéger la tête du soleil, d'utiliser un ventilateur d'appoint si possible, d'éviter de consommer de l'alcool, et de manger des repas légers et fractionnés.
Actualisation législative
Il convient de noter que la loi ne fixe pas de température maximale de travail. Cependant, il est généralement recommandé aux salariés d'exercer leur droit de retrait si la température dépasse 33°C, et l'Assurance maladie recommande d'évacuer les locaux si la température atteint 34°C. Il faut toutefois faire preuve de prudence, car un salarié qui cesserait de travailler de manière abusive pourrait être sanctionné. Il est essentiel que les employeurs, le CSE et la CSSCT travaillent ensemble pour garantir un environnement de travail sûr et sain pendant les vagues de chaleur.
Chômage-intempéries dans le BTP
Le Code du travail impose aux employeurs du BTP d'interrompre les chantiers exposés aux intempéries. L'employeur verse dans ce cas une indemnité journalière au salarié. Une partie de cette indemnité est ensuite remboursée par la Caisse chômage-intempéries à l'employeur.
Un décret du 28 juin 2024 reconnait désormais officiellement la canicule comme intempérie.
Vers une adaptation de la réglementation ?
D’ici à 2050, 84 % des travailleurs français subiront entre 16 et 26 journées anormalement chaudes (note d’analyse de France Stratégie du 29 juin 2023). France Stratégie préconise d’adapter les règles du droit du travail pour préserver la santé et la sécurité des salariés.
Pour les auteurs de la note, l’État doit définir une stratégie nationale d’adaptation de l’organisation du travail aux divers scénarios de réchauffement : « La plupart des dispositifs visant à prévenir les risques liés au réchauffement climatique s’inscrivent dans une logique de gestion d’événements jugés exceptionnels et ne permettent pas de s’adapter sur le long terme ».
France Stratégie précise : « Le droit du travail s’approprie encore peu les enjeux climatiques. Le Code du travail ne définit pas plus la canicule qu’il ne fixe de température maximale pour autoriser l’arrêt de travail comme les vagues de chaleur ».
Didier FORNO
Expert du CSE
Publié le 26/06/2024