La crise sanitaire du Covid 19 modifie profondément les conditions de travail dans l’entreprise. Cette situation inédite nécessite une actualisation de l’évaluation des risques. Le comité social et économique (CSE) et la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) doivent s’impliquer fortement dans cette prévention des risques liés au Coronavirus.
Tout employeur, quel que soit l’effectif de l’entreprise, doit évaluer les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, compte tenu de la nature des activités de l’établissement. Les résultats de cette évaluation doivent être transcrits dans le document unique d’évaluation des risques professionnels.
Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans l’entreprise. Tous les risques doivent figurer dans ce document : risques pour la santé physique, risques pour la santé mentale (risques psychosociaux).
Les risques psychosociaux (RPS) englobent des situations de travail où sont présents le stress et des violences. Six catégories de facteurs RPS sont identifiées : intensité et temps de travail, exigences émotionnelles, faible autonomie, rapports sociaux dégradés, conflits de valeurs, insécurité de la situation de travail.
Les risques liés à l’épidémie de Coronavirus doivent être évalués et identifiés dans le document d’évaluation des risques professionnels. L’objectif est de définir des mesures de prévention et de protection adaptées. L’employeur devra identifier les situations de travail dans lesquelles les conditions de transmission du Covid 19 peuvent se trouver réunies.
Plusieurs entreprises viennent d’être condamnées pour défaut d’actualisation du document d’évaluation des risques professionnels.
Le tribunal de Nanterre, concernant la société AMAZON, précise que les risques psychosociaux n’étaient pas suffisamment évalués dans le document d’évaluation des risques professionnels et qu’il était nécessaire que celui-ci « rende compte » des effets du Covid 19 sur la santé mentale induits notamment par les changements organisationnels incessants, les nouvelles contraintes de travail, la surveillance soutenue et les inquiétudes légitimes des salariés. AMAZON a été condamné à restreindre l’activité de ses entrepôts, jusqu’à la mise à jour du DUERP, en y associant les représentants du personnel (Tribunal judiciaire de Nanterre, réf. 14 avril 2020, n° 20/00503).
Pour la même affaire, la Cour d’appel de Versailles (décision du 24 avril 2020) confirme le premier jugement et constate : « une carence évidente et persistante dans l’évaluation des risques liés à l’épidémie de Covid-19 pour les près de 10 000 travailleurs employés sur ses six entrepôts français ». Autre grief : ne pas avoir suffisamment associé les CSE d’établissement, mais également le CSE central, à l’analyse des risques, à la définition des mesures de prévention et de protection et à leur mise en œuvre. Également pointée, l’absence de réflexion préalable globale, qui aurait dû conduire à la définition d’une méthode d’évaluation et de prévention d’ensemble, déclinée ensuite pour chaque site. La Cour relève également que l’employeur n’a pas évalué les risques psychosociaux, particulièrement élevés en raison du risque épidémique et des réorganisations induites par les mesures mises en place pour prévenir ce risque. En charge au niveau de chaque site de l’actualisation du document unique d’évaluation des risques, la direction n’avait initié aucune démarche pour les modifier au regard des risques psychosociaux au jour de la décision des premiers juges. Et certains risques, notamment lors des manipulations successives des objets stockés et des colis confectionnés, n’avaient fait l’objet d’aucune évaluation.
De même, le tribunal de Paris vient de condamner LA POSTE, pour non mise à jour des risques spécifiques liés au Covid 19 dans son document d’évaluation des risques professionnels. Le tribunal estime que les efforts d’évaluation des risques sont insuffisants et condamne LA POSTE à élaborer et diffuser le DUERP dans les meilleurs délais. Le tribunal précise que LA POSTE doit associer à l’élaboration du document, la médecine du travail et les instances représentatives du personnel (Tribunal judiciaire de Paris, réf. 9 avril 2020, n° 20/52223).
Le Tribunal judiciaire de Lille est allé encore plus loin ! Dans une affaire concernant un supermarché, il a considéré « que les salariés de la société CSF sont exposés à un risque spécifique qui ne résulte pas de la substance même de leur activité, mais des circonstances dans lesquelles ils l’exercent actuellement au vu de la crise sanitaire », de sorte que les dispositions du Code du travail relatives à la prévention des risques biologiques avaient vocation à s’appliquer (T. jud. Lille, réf., 5 mai 2020, nº 20/00399). C'est à dire, l'application d'une législation de prévention encore plus lourde et donc une implication des représentants du personnel également plus significative...
D’après les professionnels de santé (mais ils ne sont pas tous d’accord), un contact étroit avec une personne contaminée est nécessaire pour transmettre la maladie : même lieu de vie, contact direct à moins d’un mètre lors d’une toux, d’un éternuement ou d’une discussion de plus de 15 minutes en l’absence de mesure de protection.
Un des principaux vecteurs de transmission du virus est le contact des mains non lavées.
Ces nouveaux risques, liés au Covid 19 nécessitent dans de nombreuses entreprises un réaménagement des locaux et une réorganisation du travail (télétravail par exemple).
Le ministère du Travail a publié sur son site internet un document « questions/réponses » sur le coronavirus, l’employeur et les salariés : https://travail-emploi.gouv.fr/le-ministere-en-action/coronavirus-covid-19/questions-reponses-par-theme/
Le document unique d’évaluation des risques doit être tenu à la disposition des salariés, des membres du CSE et du médecin du travail.
Le CSE joue un rôle particulièrement important dans les situations de crises.
Il devra ainsi être associé à la démarche d’actualisation des risques et consulté sur la mise à jour du document unique d’évaluation des risques.
Le CSE a pour mission de promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail dans l’entreprise.
Par ailleurs, dans les entreprises de plus de 50 salariés, le CSE est informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur la durée du travail ou les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle ainsi que sur tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.
C’est le cas pour :
- les modifications importantes de l’organisation du travail ;
- le recours à l’activité partielle ;
- les dérogations aux règles relatives à la durée du travail et aux repos.
Voir également notre article : Coronavirus, employeur et salariés, que dit la loi ?
Didier FORNO
CEOLIS
Expert-comptable spécialisé dans les CSE
Publié le 22/04/2020