Comme chaque année, à l'approche des fêtes de fin d'année, le comité social et économique (CSE) engagent des démarches auprès des fournisseurs, pour attribuer aux salariés des cadeaux et bons d’achat. Cette œuvre sociale et culturelle (ASC) très répandue dans les CSE, permet de décupler le pouvoir d'achat des salariés, dans un contexte de forte inflation.
Les élus du CSE doivent connaître les seuils URSSAF, afin d’éviter un redressement…
Les cadeaux et bons d’achat sont des œuvres sociales et culturelles (ASC). De quoi s’agit-il ?
Définition des « Activités sociales et culturelles »
Il n’existe pas de définition légale !
Le Code du travail ne définit pas précisément ce qu’est une activité sociale et culturelle ; il se borne, dans l’article R2312-35, à dresser une liste (non limitative) :
- Des institutions sociales de prévoyance et d'entraide, telles que les institutions de retraites et les sociétés de secours mutuels ;
- Les activités sociales et culturelles tendant à l'amélioration des conditions de bien-être, telles que les cantines, les coopératives de consommation, les logements, les jardins familiaux, les crèches, les colonies de vacances ;
- Les activités sociales et culturelles ayant pour objet l'utilisation des loisirs et l'organisation sportive ;
- Les institutions d'ordre professionnel ou éducatif attachées à l'entreprise ou dépendant d'elle, telles que les centres d'apprentissage et de formation professionnelle, les bibliothèques, les cercles d'études, les cours de culture générale ;
- Les services sociaux chargés :
- De veiller au bien-être du salarié dans l'entreprise, de faciliter son adaptation à son travail et de collaborer avec le service de santé au travail de l'entreprise ;
- De coordonner et de promouvoir les réalisations sociales décidées par le comité d'entreprise et par l'employeur ;
- Le service de santé au travail institué dans l'entreprise.
Cette absence de définition légale a conduit la jurisprudence à préciser les conditions cumulatives qui doivent être réunies pour qu’une activité soit considérée comme relevant des attributions sociales et culturelles du CSE. Celle-ci doit être :
- Facultative et non rémunératoire,
- Non discriminatoire,
- Exercée principalement au bénéfice des salariés de l’entreprise,
- Destinée à améliorer les conditions de vie, de travail et d’emploi des salariés.
Facultative et non rémunératoire
Activité facultative
Une activité dont la mise en œuvre dans l’entreprise est obligatoire (de par une loi, un décret, un arrêté) ne peut pas être considérée comme une ASC ; l’employeur ne peut pas en confier la gestion au CSE. Il en est de même lorsque l’activité est imposée par une convention collective ou un accord d’entreprise.
Activité non rémunératoire
L’activité ne doit pas se substituer à du salaire et ne doit pas être la contrepartie d’un travail.
Non discriminatoire
La discrimination est interdite
L’ensemble du personnel doit avoir accès aux activités sociales et culturelles, sans discrimination ni exclusion. Sont considérés comme des critères discriminatoires l’âge, le sexe, l’origine, l’appartenance à une religion, un parti politique, un syndicat, l’appartenance à une catégorie professionnelle…
Mais la discrimination peut être également : l’exclusion des salariés en arrêt longue maladie, le fait de réserver une aide financière aux frais de garde d’enfant aux seules mères salariées (à l’exclusion des pères), le fait de réserver la prise en charge du congé de formation syndical aux seuls membres d’un syndicat précis…
L’ancienneté et la présence effective sur l’année sont considérées comme des éléments discriminatoires.
Mais la modulation en fonction de critères objectifs est possible !
Si les critères discriminatoires sont interdits, l’attribution d’une aide ou la modulation de son montant est possible si elle est basée sur des critères objectifs : le nombre d’enfants ou de personnes à charge, le quotient familial ou les revenus du salarié, la situation familiale du salarié…
Exercée principalement au bénéfice du personnel de l’entreprise
Priorité aux salariés et à leur famille
L’article L2312-78 stipule que « Le comité social et économique assure, contrôle ou participe à la gestion de toutes les activités sociales et culturelles établies dans l'entreprise prioritairement au bénéfice des salariés, de leur famille et des stagiaires (…) ».
Tous les salariés de l’entreprise doivent en bénéficier, quels que soient leur contrat de travail (CDI, CDD, contrats aidés) et la durée du temps de travail (temps complet, temps partiel). De même, les salariés en période d’essai, en préavis, dont le contrat a été suspendu (congé maladie, congé parental, congé maternité…) doivent y avoir accès.
Stagiaires
Comme écrit ci-dessus, les stagiaires, bien que n’étant pas salariés, ont accès aux ASC.
Dirigeants d’entreprise
Les dirigeants d’entreprise ne bénéficient des ASC que dans la mesure où, en plus de leur mandat social, ils sont également salariés de l’entreprise.
Anciens salariés et personnes extérieures à l’entreprise
Bien que n’étant pas un public prioritaire, les anciens salariés, retraités, préretraités voire licenciés pour motif économique, peuvent également bénéficier des ASC sur décision du CSE.
De même, le CSE peut décider d’inclure dans les bénéficiaires les personnes extérieures à l’entreprise, mais travaillant habituellement dans les locaux de celle-ci (prestataires, intérimaires). Pour ces personnes, la loi leur permet de bénéficier au minimum des installations collectives de l’entreprise utilisatrice (moyens de transport collectifs, restauration…).
Destinée à améliorer les conditions de vie de travail et d’emploi
Une activité sociale et culturelle doit avoir pour finalité d’améliorer les conditions de vie, de travail et d’emploi des salariés.
Cette obligation est généralement interprétée de façon large, mais il existe quand même certaines restrictions. Par exemple, l’action syndicale n’est pas considérée par les juges comme étant une activité sociale et culturelle. De même, si l’employeur organise une soirée festive dans le but de présenter le bilan annuel de l’entreprise et d’assurer une cohésion au sein de celle-ci, cette soirée ne peut être une ASC (ce qui est le cas si elle est uniquement festive !).
Bons d’achat, chèques-cadeaux ou cadeaux
La remise de cadeaux et de bons d’achat aux salariés, pour la fin d’année, est l’une des activités sociales et culturelles les plus répandues dans les CSE. Il est utile de rappeler la règle URSSAF applicable, afin d’éviter des redressements de cotisations.
Normalement, la remise de cadeaux ou bons d’achat aux salariés est soumise à cotisations. Mais il existe deux tolérances :
- L’une concerne les bons d’achats et cadeaux,
- L’autre les chèques-lire, les chèques disque et les chèques culture.
1 Bons d’achat et cadeaux :
1re règle :
Si la valeur cumulée des bons d’achats, chèques-cadeaux et cadeaux sur une année et par salarié n’excède pas 193 euros (en 2024), ceux-ci sont exonérés de cotisations, quels que soient les événements auxquels ils se rattachent.
2 ème règle :
Si le montant global dépasse le seuil, il faut alors examiner chaque bon d’achat (ou chèques-cadeaux ou cadeaux) pour voir si certains d’entre eux bénéficient d’exonérations spécifiques. Pour cela, il est nécessaire (conditions cumulatives) :
- d’être en relation avec un événement précis (voir liste ci-après),
- d’être d’une utilisation déterminée en relation avec l’événement,
- de ne pas dépasser 193 euros (en 2024), par événement et par année civile.
Liste des événements : Mariage, Pacs, naissances, retraite, fête des Pères, fête des Mères, Sainte-Catherine, Saint-Nicolas, Noël des salariés et de leurs enfants (jusqu’à 16 ans), rentrée scolaire (enfant âgé de moins de 26 ans).
Précisions :
- Sainte-Catherine : la limite d’âge est de 25 ans,
- Saint-Nicolas : la limite d’âge est de 30 ans,
- Naissance : la limite de 193 euros s’apprécie par enfant,
- Rentrée scolaire : la limite de 193 euros s’apprécie par enfant,
- Noël : la limite de 193 euros s’apprécie par enfant et par salarié.
Précision pour Noël : dans le cas particulier ou deux parents travaillent dans la même entreprise, le seuil d’apprécie pour chacun d’eux : ainsi les deux salariés pourront prétendre pour Noël, aux bons d’achat pour le même enfant.
En raison de ce lien avec l’évènement, les bons d’achat et cadeaux doivent être attribués au moment où l’évènement se produit, et donc, en principe, au mois de décembre pour les œuvres sociales et culturelles liées à Noël. S’ils sont attribués bien avant ou bien après l’évènement, il y a un risque d’être soumis à cotisations.
Attention !
Lorsque les conditions ne sont pas simultanément remplies, le bon ou cadeau est soumis, en cas de contrôle de l’URSSAF, aux cotisations sociales pour son montant global (dès le 1er euro).
Autre difficulté, la « tolérance » URSSAF n’a selon la Cour de cassation aucune portée normative… Chaque contrôleur URSSAF est donc en droit de redresser un CSE, sans tenir compte des tolérances de l’URSSAF qui s’appliquent depuis plus de 30 ans !
2 Les chèques-lire, les chèques disque et les chèques culture :
Ils sont entièrement exonérés de cotisations, quel que soit le montant.
3 Bons d’achat de produits alimentaires :
L’attribution de bons d’achat pour des produits alimentaires courants n’est pas concernée par les seuils d’exonération. Par contre, l’attribution de bons d’achat pour des produits alimentaires non courants, dont le caractère festif est avéré (foie gras, caviar, champagne) bénéficient du seuil d’exonération de 193 euros (s’ils sont octroyés à l’occasion d’un des événements cités précédemment).
Didier FORNO
Expert-comptable spécialisé dans les CSE
CEOLIS
Publié le 24/09/2024