Depuis plusieurs mois, le gouvernement communique abondamment sur la baisse du chômage en France. Mythe ou réalité ?
Faut-il prendre ces chiffres pour « argent content » ? Ces calculs sont-ils encore adaptés à notre monde actuel ?
Focus sur un sujet sensible pour nos gouvernants…
Quel est le taux de chômage en France ?
Au deuxième trimestre 2022, le taux de chômage s'établit à 7,4% de la population active, selon l'Insee. Selon les chiffres du Bureau International du Travail, le nombre de chômeurs en France, s'établit à 2,3 millions. Depuis 2017, le taux de chômage s’inscrit sur une ligne descendante, en pente douce, qui interroge.
Une augmentation massive du nombre d’auto-entrepreneurs
Fin 2021, l’URSSAF dénombrait plus de 2,2 millions d’auto-entrepreneurs actifs, en augmentation de 17 % entre 2020 et 2021, soit 400 000 auto-entrepreneurs en plus !
On est ainsi passé de moins de 200 000 auto-entrepreneurs en 2009 à plus de 2,2 millions en 2021. Autant de personnes qui ne sont plus inscrites à Pôle Emploi !
Le chiffre d'affaires annuel moyen des auto-entrepreneurs est de 14 883 euros… Pas de quoi vivre.
Depuis 2009, ce sont plus de 3,7 millions de personnes qui sont passées par le statut d’auto-entrepreneur :
Une explosion des contrats de professionnalisation et d’apprentissage
Plus de 120 000 contrats de professionnalisation ont été enregistrés en 2021 (+6,9 %). Plus de 700 000 contrats d’apprentissage ont été signés sur la même période (+38,1 %).
On peut s’interroger sur la viabilité de ces contrats. Ne s’agit-il pas juste d’un effet d’aubaine, lié aux aides à l’embauche ? Combien de bénéficiaires de ces formes de contrats seront embauchés en CDI, à l’issue de leur emploi « précaire » ?
La pérennisation de ces emplois reste à démontrer.
Source : Ministère du Travail de l’Emploi et de l’Insertion
Une radiation massive des listes de Pôle Emploi
Depuis quelques années, l’État a accentué le contrôle des demandeurs d’emploi. Le nombre de radiations a fortement augmenté au fil du temps. Ainsi, de 165 000 contrôles en 2016, on est passé à 500 000 en 2021. Résultat, rien qu’au quatrième trimestre 2021, on atteint le nombre record de 52 300 radiations (soit une augmentation de 44,9 % en un an !).
Le mythe du « chômeur » fainéant à la vie dure !
Une baisse du chômage en « trompe l’œil » dans un Nouveau Monde
On le voit, l’analyse des chiffres du chômage doit être faite avec la plus grande prudence. Entre l’explosion du nombre d’auto-entrepreneurs, la forte hausse des contrats « précaires » et les radiations de Pôle Emploi, le taux de chômage, tel qu’il est calculé aujourd’hui, n’a plus beaucoup de sens. Son calcul relève de « l’Ancien Monde ». Vous savez, ce monde, que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître. Celui ou la norme était d’avoir le statut de salarié, de bénéficier d’un CDI et de faire toute sa carrière chez le même employeur. Si, si, je vous assure que cela a existé !
Vers un nouveau calcul du nombre de personnes « privées d’emploi » ?
Dans ce Nouveau Monde « post-covid », il faut inventer un nouveau mode de calcul des personnes réellement « privées d’emploi ». En effet, peut-on considérer qu’un auto-entrepreneur qui déclare 10 000 euros de chiffre d’affaires par an est réellement en activité. Souvent, il s’est installé à son compte, faute de pouvoir trouver un emploi digne de ce nom et survie comme il peut.
Le nouveau mode de calcul « intégrerait » non seulement les chômeurs inscrits à Pôle Emploi, mais également les auto-entrepreneurs dont le chiffre d’affaires serait inférieur à un certain seuil (par exemple 12 000 euros par an).
Le taux de « chômage » serait beaucoup plus important est en augmentation constante ces dernières années.
Rappelons qu’en 2019, en France métropolitaine, 9,2 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté monétaire. Le taux de pauvreté était ainsi de 14,6 %, en forte augmentation sur les dix dernières années.
La baisse du chômage « devait » se poursuivre jusqu’à la fin du quinquennat…
On pouvait prédire, il y a peu, sans prendre de risque, que le taux de chômage continuerait à baisser, dans les années à venir, pour les raisons décrites ci-dessus. La guerre en Ukraine vient bouleverser toutes ces belles prévisions. Une récession mondiale se profile à l’horizon.
Les gouvernements successifs, jusqu’à la fin du quinquennat, font devoir faire preuve « d’imagination » pour maintenir un taux de chômage acceptable politiquement…
« Couvrez ce chômeur, que je ne saurais voir. Par de pareils objets, les âmes sont blessées, et cela fait venir de coupables pensées. » (Parodie de Tartuffe, ou l'imposteur (1664), de Molière).
Baisse du chômage : vraiment ?
Retrouver cette article sur MIROIR SOCIAL.
Didier FORNO
Expert-comptable du CSE
CEOLIS
Publié le 06/09/2022